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Quebec

Première journée - le 8 novembre, 2001

Bonjour,

C'était une journée de grande excitation aujourd'hui au Palais de justice de Montréal!

Les sièges des avocats forment un demi-cercle autour de la juge Louise Lemelin, et 5 micros suspendus du plafond assurent que Me Goldwater soit entendue pendant qu'elle arpente la pièce en gesticulant avec un dynamisme
impressionnant!

Me Goldwater a commencé en expliquant que nous étions tous des témoins à une cérémonie de mariage - même si c'était une cérémonie qui allait durer longtemps, étant donné que l'affaire irait en toute probabilité à la Cour suprême.

Puis, on a demandé à Michael et René de témoigner devant la Cour, ce qu'ils ont fait d'une manière très émouvante. Ils ont raconté à la Cour qu'ils sont dans une relation de 28 ans, et qu'ils se connaissaient pendant trois ans avant d'emménager ensemble. Michael a parlé de son arrivée au Canada des États-Unis et de la première fois que lui et René se sont rencontrés. Il a cité le proverbe "Qui prend mon mari prend mon pays". C'est une relation d'appui mutuel.

Michael a raconté leurs expériences aux étapes diverses de l'évolution de la communauté, surtout quand le VIH a commencé à toucher les vies de tant des membres de la communauté. René a affirmé le rôle important que Michael a
joué dans sa vie, et l'importance d'être considéré un citoyen à part entière.

Il n'y avait aucun contre-interrogatoire, mais notre avocat Noël Saint-Pierre (qui représente la Coalition) a posé quelques questions supplémentaires au sujet de l'impact de la manque de reconnaissance de nos relations sur les couples de même sexe.

Me Goldwater (qui parle trois fois plus vite que moi - impressionnant!) a indiqué à la Cour que, en tant qu'avocate en droit familial, c'est surtout des couples qui ne s'aiment plus qu'elle représente, alors c'est un cadeau rare de pouvoir avancer la cause de deux personnes qui ne se détestent pas
après 28 ans! Même si ses clients ne sont plus dans la fleur de leur jeunesse (a-t-elle ajouté d'une façon diplomatique), ils ont le droit d'être accordés du respect.

Elle a expliqué aussi qu'en réalité, c'est une cause très simple, et qu'elle n'avait pas besoin de deux journées d'argumentation, mais pourrait bien présenter ses arguments au cours de cinq minutes. Cependant, elle n'a pas
pris conscience du fait que la discrimination et l'intolérance existent toujours au Québec et au Canada.

Elle a bien attiré notre attention en indiquant un jeune homme au premier rang et en déclarant qu'elle n'allait pas spéculer sur ses activités sexuelles. Ce n'était pas son affaire - alors pourquoi est-ce que la loi s' intéresse à l'orientation sexuelle de ses clients? (Nous avons tous appris à essayer de passer inaperçu quand Me Goldwater prononce les mots : 'J'ai besoin d'un bénévole').

Me Goldwater a procédé à considérer les questions constitutionnelles.

Même si les affaires sur le mariage dans les autres provinces s'occupent du droit coutumier ("common law"), il y a trois lois écrites qui sont contestées dans l'affaire du Québec :

i) l'art. 365 du Code civil du Québec, qui contient une définition hétérosexuelle du mariage;

ii) la loi fédérale S-4, qui affirme cette définition hétérosexuelle;

iii) l'alinéa 1.1 de la loi visant à moderniser le régime d'avantages et d' obligations.

C'était l'argument de Me Goldwater que l'article 365 du Code civil est hors de la compétence législative du Québec - la preuve, c'est que la province accepte que la loi S-4 est valide, même si elle contient la même définition au niveau fédéral.

C'est la position du gouvernement du Québec que le Code civil reflète tout simplement la définition fédérale. Selon Me Goldwater, ce n'est pas un argument très convaincant, car l'application de ses clients pour un permis de mariage était rejetée, même avant que la loi S-4 existait.

Un projet de loi qui a précédé la loi S-4 (le projet de loi C-50) contenait une définition de mariage qui ne faisait aucune référence au sexe des parties. Cependant, le gouvernement fédéral a modifié cette définition pour souligner que le mariage est entre un homme et une femme. Selon le
gouvernement, la définition dans l'affaire Hyde se trouve dans le droit coutumier de toutes les autres provinces, mais au Québec c'était nécessaire de légiférer une définition pour préciser le droit civil. Me Goldwater a accepté que la loi S-4 est valide du point de vue de la juridiction fédérale, mais qu'elle doit aussi être assujettie au scrutin de la Charte
des droits.

Tour le monde est d'accord que l'alinéa 1.1 de la loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations n'est qu'une provision d'interprétation, mais on le conteste aussi pour être sûr.

Me. Goldwater s'est adressée aussi aux arguments que le mot "mariage" dans la Constitution est limité aux mariages entre personnes de sexe opposé. La Constitution est un document progressiste, qui évolue, et son objectif, ce n 'est pas de restreindre les gouvernements, mais de leur accorder du pouvoir.

La définition du mariage ne peut pas être limitée à la définition de 1867. Me Goldwater nous a lu du Code civil de 1866, qui déclarait que la femme devait soumettre à son mari, elle ne pouvait pas lui refuser des relations sexuelles, etc.

Me Goldwater n'était pas impressionnée non plus avec l'argument fédéral que le mariage hétérosexuel est une 'norme universelle'. Elle a souligné le fait que la guerre, l'esclavage, le sexisme, l'abus des enfants sont, eux aussi, des normes universelles, dans le sens qu'ils transcendent la culture, l'histoire et la religion.

Ella a fait aussi le commentaire qu'il n'y a aucun conflit entre la religion et l'orientation sexuelle. Les couples de même sexe n'essaient pas d' obliger les religions à célébrer leurs relations (en fait, le Code civil protège leur foi explicitement), mais les intervenants religieux essaient de empêcher les couples de même sexe de se marier - même s'ils ne sont pas religieux!

Me Goldwater a aussi examiné tous les avantages qui sont accordés aux couples mariés. Par contraste avec les autres provinces, le Québec maintient une distinction forte entre les avantages accordés aux couples mariés et ceux accordés aux conjoints de fait. Les conjoints de fait ont, pourtant, un choix, chaque jour de leurs vies, de se marier ou non. Michael et René n'ont aucun choix, même après 28 ans. Ils peuvent se déplacer à une autre province pour avoir plus de droits, mais ils ne devraient pas être déracinés pour avoir accès à l'égalité.

Demain, Me Goldwater va continuer avec une considération de l'art. 15 de la Charte des droits.

Sommaire de la troisième journée